Journal du masque

Je reviens sur mes terres après dix ans d'exil.
Le voyage a été pénible.
Devoir supporter la puanteur, les paroles insipides, la promiscuité. Ca me donne envie de vomir.

J'ai débarqué dans cette bonne vieille baronnie.
Au premier regard, tout est bien à sa place.
La seule chose agréable ici, c'est le froid.

Je passe à côté d'un milicien.
On me fout la paix.
De toute façon, je ne vais pas m'attarder ici.

J'ai envie de fumer et de me faire brûler la gorge.
Oublier le regard bienveillant que je viens de croiser.
Je n'aime pas les moutons, ça pue.

Enfin, je sors.
Je prends une bouffée d'air glacial.
Ma peau est gelée. Je revis.
La tour semble un endroit solide, je m'y attarde.
Devant moi, un vieux, qui parle trop et une femme, un arc à la main.
J'écoute de loin. Tout ce que je veux, c'est sentir la fumée entre mes lèvres.
Je m'allume ma roulée. Je me suis envoyée un bonne rasade de rhum vieux.
J'ai les boyaux comme un brasier.
Je me sens bien l'espace d'un instant, avant qu'ils me parlent.

J'ai l'esprit qui voyage déjà.
Je réponds, de loin.
Je pense être assez dissuasive.
Le vieux part. Un de moins.
L'autre me questionne.
Ca ne dure pas longtemps.
Tant mieux, j'ai envie de silence.

Le ciel est désespérément bleu.
J'aimerai qu'il se déchire.
Sentir la lame du froid faire claquer mes dents.
Je n'aime pas les questions.
Je n'aime plus grand chose à vrai dire.
A part ma vieille amie volatile et cette flasque qui protège le poison qui me brûle.
Je sens des pulsions en moi que je réfrène... Pour l'instant.

Dix ans, ça fait beaucoup.
Et peu à la fois.
Non... Beaucoup.
Je ne me demande pas où je vais, ni ce que je vais trouver.
Seul le présent compte.
Je reviens à la maison.
Moi... Le Masque.

Le temps.
Le temps passe vite... Trop vite.
Je stagne.

Je ne perds rien des raisons qui me ramènent ici.
Ce matin, en me levant, j'avais un goût amer dans la bouche.
Je me suis mise à fumer, comme d'habitude, pour chasser la douleur.

Mais c'est trop.
Tout est trop.
Je bascule, je le sens, vers la fin.
Mon corps commence à me trahir.
C'est la première fois que je prends réellement conscience de ce qui m'attend.
Tant que je j'arrivai à gérer le mal, ça allait.
Mais maintenant, il m'arrive d'avoir des absences.

Je me cache derrière un sourire.

Je suis sortie ce matin.
Il fallait que je vois le ciel.
Que je sente la neige sur ma peau.
Toutes les sensations.
J'ai laissé Dranor dans le lit.
Pour une fois qu'il semblait bien dormir.

Le temps.
Le temps nous rattrappe.
J'ai peur de réaliser que ça a commencé.
A chaque réveil, j'ai mal.
Il me semble que je vis depuis si longtemps au bord du fil que j'ai oublié la dernière fois où j'ai touché la terre.

Pour la première fois depuis longtemps, j'ai repensé à ma mère.
Elle me manque.
J'aimerai retourner en arrière.
Sentir encore ses bras protecteurs.
Son sourire doux alors qu'elle avait tant à faire.
Ma rédemption.

Je me demande comment ça sera.
Ma mort.
J'ai regardé mes mains et elles étaient rouges du sang de mon passé.
Je me demande comment sera l'enfer.
Je ne doute pas un seul instant d'y avoir ma place.
Mais je ne cesse de me demander quand tout cela a vraiment commencé.

Sommes-nous maudits ?
Je suis la dernière de notre lignée.
Après moi, si je n'ai pas d'enfants, il n'en restera rien.
Le temps.
Le temps me ratrappe tout le temps.

A un instant, mon chemin a bifurqué.
Mais je me souviens encore de tout tes enseignements, maman.
Il y a en moi ce que tu m'as léguée.
J'aime toujours autant la poésie, la musique quand elle est inspirée et ces merveilleux tableaux que tu aimais tant collectionner.
Je te revois m'emmener voir ce maître, utilisant cette technique d'huile qui a quelque chose de magique.
Je pouvais passer des heures à regarder une oeuvrre prendre vie.

Ici, le peu de culture que j'ai trouvé est à pleurer.
Un poète a croisé mes pas.
Je lui ai donné mon or pour son talent.
Ecouter, m'impréger des mots dont l'alchimie est parfois étonnante.
Mais aucune musique n'a encore émue mon coeur.

En marchant, le visage de Vicento s'est imposé à moi.
Je n'ai jamais cru que c'était son nom, mais il lui allait si bien.
Ce rouge sombre qu'il aime tant.
Durant une année je lui ai offert ce corps qui semblait le fasciner tant.
Et toujours, il m'a respecté, soigné, guidé.
Je lui dois tellement !

J'ai mis en sécurité la toile qu'il m'a laissé, la veille de son départ.
Le seul portrait qu'il a fait de moi.
Le seul a avoir saisi ce que j'étais. Hors du masque.

Et puis après, toutes ces années de solitude.
Je sens encore ma chair souffrir.
Je sens encore ma colère bouillir et me porter au délà des limites.
Et ce froid tout au fond de moi.

Quand l'ai-je perdu ?
Quand ai-je perdu mon humanité ?
QU'ont-ils fait de moi ?

J'étais si jeune... Si jeune !

Je suis remontée dans la chambre et j'ai rangé mes affaires sans faire de bruit.
Dranor dormait encore.
Je suis partie pour Lomidar.
J'ai peur du temps qui me rattrappe.
Je ne veux pas qu'il gagne avant d'avoir accomplie ce qui m'a portée jusqu'ici.
A subir dix années de souffrances.

Je fume trop, mais c'est le seul moyen pour atténuer la douleur.
Je bois trop aussi.
Tout est trop.
J'ai brûlé mes ailes.
Elles se consumment sans fin.
Et ma solitude abyssale me semble une pénitence certaine.

Seras-tu la main qui me sauvera de moi-même ?
Ai-je le droit d'aimer, moi qui ait tant pris ?

Maman, je rêve de connaître la rédemption, mais voilà, ce que je m'apprête à faire me condamnera plus encore.
Même si je rêve qu'à un moment, une main vienne me sauver du châtiment final.

Sommes-nous maudits ?
Je ne pourrais dormir en paix que lorsque mes mains seront plus sanglantes encore.
Je suis tellement fatiguée...

Avant de partir, je l'ai regardé.
J'ai compris tellement de choses, peut-être même plus qu'il ne le croit.
Je suis heureuse de pouvoir l'aimer.
Je sais qu'il a ses démons.
Je sais que parfois, ils reviennent le hanter.
J'espère arriver à faire de lui ma seule bonne action.
Je sais qu'il tiendra ma main.
Je sais qu'il sera là.
Nous avons si peu de temps...

Il est temps que je parte.
J'ai beaucoup de travail.
Et mon corps me trahit déjà.
Pourvu que j'ai le temps.
J'aimerai pouvoir faire un dernier rêve.

J'ai tant perdu...

Je marche dans un couloir sombre où les peintures sont des parties de ma vie, que je ne reconnais pas.
Je ne me souviens même plus de mon nom.
Si Dranor ne me l'avait pas dit hier, je serai restée dans l'erreur.

Ma vie se fond et se confond en un amalgamme dont je ne maîtrise plus rien.
J'avance dans la vie comme un fantome à présent, de ce que j'ai du être.
Il me semble que chaque instant a de l'importance, comme si tout pouvait s'arrêter brusquement.

Est-ce la réalité ? Une intuition ? Un leurre ?
Je ne sais plus.
Je rêve de revoir les peintures que j'ai entrevu dans mes bribes de souvenirs.
L'art me manque.
Et la neige est cruellement immaculée de néant.

Seul Dranor ne me quitte pas.
Il reste ce point d'encrage dans mon esprit défaillant.
Comme un lien ultime.
Est-ce cela l'amour absolu ?
Je me demande encore si j'ai pu aimer avant lui. Cet homme imposant qui me rassure tant.
Il est mon bouclier je crois.
Une partie de la force qui me permet d'avancer.

Mais je me demande à présent qui je suis pour lui.
Suis-je bien la femme qu'il a épousé ?
J'ai peur d'être une autre à présent.
Et si cette autre ne lui plaisait plus ?
Si il finissait par se lasser ?
La beauté ne fait pas tout.
Sans la subtance, je ne suis qu'une coquille vide.
Et je suis effrayée à l'idée de me retrouver seule, à nouveau perdue, incapable de savoir qui je suis, ni où je vais.
Si cela doit être, alors je préfère mourir.
Vivre ça n'est pas une vie.

Le prêtre a été gentil.

Il m'a donné mon carnet parce que je n'avais plus d'or.
Je ne sais pas ce que j'en ai fais.

J'ai du le perdre.

J'ai fouillé dans mon sac et j'ai trouvé ce texte.
Ce n'est pas mon écriture.

Citation :

Décadence

C'est un chant de haine
Que je hurle avec joie.
Je peux me noyer de peine,
Si c'est à cause de toi.
Je ne sais pas où cela me mène,
Ma vengeance hors-la-loi
Peu à peu me traine
A des extrêmités qui m'effroient.
Dans mes pensées malsaines
J'aime autant souffrir plutôt qu'être ta proie.
Ma décadence est reine
Des sources de ma joie.
Si par malheur quelqu'un me freine,
J'y perds ma seule voie.

C'est un chant de haine,
Que j'entame gaiement.
Si cela t'es obscène
J'aime abominablement.
Regarde-moi sombrer dans l'arène,
Regarde ton enfant,
Détruire tes chaines,
Et finir minablement...

Il n'y a pas de nom.
Je me demande d'où ça vient et pourquoi je l'ai gardé.

Je crois que c'est parce que j'aime bien ce que je lis.

J'ai tout bien noté dans mon carnet.
Je fais très attention.

Mais je me sens fatiguée des fois.
Et après, je dois le lire pour me rappeler mon nom.

Je m'appele Marianne Gabrielle Darinson. C'est joli.

*L'écriture est incertaine, tout est noté en draconique sauf le poème posé sur un parchemin et inséré dans le carnet*

C'est fatiguée que j'écris ces lignes, mais il y a tellement longtemps que je ne l'ai plus fais qu'il faut que j'évacue un peu tout ce que j'ai dans ma tête.

Je suis sauve, oui, sauve.
Je ne sais par quel miracle, mais au final, la vie m'a accordée une autre chance.
Je ne vais pas la laisser filer, ça non !

Après tant de routes parcourues et cette solitude à affronter, mon chemin devient enfin lumineux et je sors de cette ombre qui me suivait jusque là.

Mais il me reste de profondes blessures.

D'abord, le fait que mon père m'ait menti durant toutes ces années.
J'ai eu énormément de mal à réaliser que oui, il désirait me protéger.
Au final, je pense qu'il m'aurait informé de la mission de notre lignée.
Sauf qu'il n'en a pas eu le temps.

Avec le recul, je me demande si il n'a pas été trahi par son propre camps.
Mais je préfère penser que non.

Enfin, j'ai décidé de reprendre le flambeau et de servir la couronne comme cela fût fait depuis des centaines d'années sans que je le sache.
Reprendre mon véritable nom ne sera pas aisée. Il me faut des preuves de mon identitée.
Harator en tient une.
Et le médaillon que je porte en est une autre, je pense.
Je vais devoir travailler très dur, je le sais, mais cela ne me fait pas peur.
L'enjeu est important.

Je remercie chaque jour la vie d'avoir mis Dranor sur mon chemin.
Je lui dois beaucoup, mais plus que ça, son amour est un véritable élixir pour moi.
Je rêve de fonder une famille nombreuse, de voir nos enfants grandir et se développer.
Et leur offrir le meilleur de la vie.
J'aimerai les préserver de ce par quoi je suis passée.
J'espère y arriver car c'est ma plus grande ambition.

Le dîner d'hier soir était fort instructif.
Je suis fière de mon mari, il a été formidable.

J'ai pu exposer mes projets futurs.
Si je trouve de l'aide, tant mieux, sinon, je retrousserai un peu plus mes manches.
Je n'ai jamais eu peur de me tuer à la tâche.
Je recommencerai encore et encore.

Je rêve de voir le manoir transformé.
Si j'arrive à offrir un peu à ces gens, alors j'aurai réussi à racheter un peu mon passé obscur.
Je sais que je n'effacerai jamais le sang sur mes mains, même si nombre de vipères ont été éradiquées de la surface de la terre.
Mais au moins, j'aurai été jusqu'au bout pour trouver la rédemption !
Et j'en ai besoin.
Pas seulement pour moi, mais je pense à Dranor.

On ne peut changer les gens, je le sais.
Mais j'aimerai qu'il réalise qu'on fini toujours par payer un prix dans nos actions les moins charitables.
Il m'a fallu un long chemin pour le comprendre.
Et la souffrance.
Tout perdre aussi pour tout recommencer.

Je dois donc retrouver mon titre perdu afin de reprendre possession de mes biens.
Ensuite, je les investirai pour aider le peuple.
Je sais que je suis loin de ce que ma belle famille envisage.
Je sens déjà les grincements de dents et les luttes intestines.
Mais peu importe.
J'ai connu bien pire et je sais que Dranor me soutient.

J'ai changé. Profondément.
Je ne suis plus la jeune femme qui est revenue, le coeur emplie de la vengeance.
Je te demande pardon, papa, je ne vengerai pas ta perte, ni celle de maman.
Je pense à présent que ceux qui nous ont fait tant de mal seront un jour jugés au plus haut niveau, celui des dieux.
Je crois que de là haut, vous préférez me savoir heureuse.
J'aimerai surtout que vous soyez fiers de votre fille.

Papa, je vais continuer ton travail.
Je ne laisserai pas tout cela partir en fumée.
La noblesse ne sera pas dans ce nom si lourd qu'il me faudra porter, mais elle sera dans mes actions futures.

Je m'inquiète beaucoup pour Dranor.
Dans cette bataille, je sais que nos idées divergeront.
La voie qu'il emprunte est tordue et sombre.
Je peux le sentir.
Mais je l'aime.
Et je ne peux m'empêcher de lui pardonner ses défauts.
Il m'a parlé de ses projets et je préfère en partie fermer les yeux.
Je lui ai juste demandé de prendre soin du personnel.
Je dois faire avec.

Je tenterai de rattrapper ses fautes en douce, dans mon coin, en espérant que son âme sera sauvée.

Je continuerai à avoir un pied à Lomidar.
Cela a son importance.
Ca ne m'enchante guère, je dois bien l'avouer.
Mais si je dois reprendre le flambeau, je n'ai pas le choix.
Je dois continuer à être jugée.

*Gros soupire* Parfois, je me sens seule tu sais...

Il faut aussi que je m'occupe de ce foutu portail.
Pas question de subir un autre Zargator !
Aller voir Aleksandre et voir avec lui ce que nous pouvons faire est une de mes priorités.
Et aussi écouter la suite de son histoire.
Il me semble quelqu'un de valeur.

J'ai beaucoup apprécié l'histoire de Lenda hier, même si Dranor baillait.
L'observer est très intéressant. J'ai trouvé un point faible chez elle. Mais elle est habile à manipuler son monde, je dois bien l'avouer.
J'aime les personnes sur la corde, faisant dans la haute voltige.
Elle aurait plue à certains des mes anciens maîtres.
En tout cas, elle sait faire tourner les têtes, ça, je le lui reconnais.
Cela est fort amusant d'ailleurs.
De voir comme beaucoup d'hommes sont naïfs.
Cette femme a une intelligence toute en finesse, c'est délicieux.
J'attends d'observer la suite.
Entre ce que j'ai vu, entendu et ce que j'imagine, je pense que bien des personnes vont avoir des surprises.
Pauvre Bartolomeo !
Il me fait penser à un marin au prise avec une syrène.
Sa fierté n'a d'égale que son adorable stupidité parfois, face à Lenda.Je me demande par quelle botte il va s'en sortir face à la dame.
Ce duel là est fort attreyant.
En tout cas, pour l'heure, la dame mène la danse...

Je suis contente qu'Allegra soit sauve.
J'ai fais mon possible pour veiller sur elle.
Je n'oublies pas son aide autrefois.
Son attitude façe à Nathan est amusante.
J'ai observé son médaillon de Tyr balafré.
J'ai une petite idée sur cet objet, après observation de nos deux tourtereaux.
Si mon idée est juste, cela est fort mignon.
J'espère que son père acceptera son futur gendre.
Cependant, quelque chose me gène, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur quoi.
Enfin, tant que Nathan respecte ses engagements, je regarde tout cela de loin.
Mais si Allegra devait souffrir par sa faute, je sortirai mes crocs.
J'ai peu d'amis ici, j'y tiens.

Harator...
Ralala ! Il me fera avoir des cheveux blancs avant l'âge.
Je me fais du soucis pour lui.
Il ne cesse d'aller sur la mauvaise voie.
Ma plus grande crainte est qu'un jour, il rencontre plus fort que lui et que nous le perdions.
J'aimerai qu'il trouve une âme capable de suffisement voir au délà des apparences pour l'aimer et le guider vers le meilleur de lui-même.
Je sais qu'il y a de la lumière en lui.
Mais on dirait qu'il fait tout pour se détruire.
Aller toujours plus loin dans le chaos.
Mais il n'a plus rien à prouver.
Si seulement il pouvait grandir un peu et être moins impulsif.
Je vais encore me ronger les sangs avec lui.

Je n'ai pas vu Alanny depuis un moment.
J'espère que sa colère est redescendue un peu.
Même si je la comprends.
Tout a été fait de travers dans cette famille.
L'amour qui les unis est sur une corde tenue qui manque de se rompre régulièrement.
Et malgré cela, si l'un tombe, un autre le rattrappe.
Il faut jongler sans cesse pour maintenir le lien affectif.
J'ai appris qu'ils devaient être une trentaine.
J'en suis restée estomaquée.
Mais d'un autre côté, n'ai-je pas rêvé d'appartenir à une grande famille ?
J'espère qu'elle va suivre son rêve, notre Alanny.
Je sens qu'elle a besoin d'être respectée et aimée.
De ce que j'ai pu comprendre, son passé doit avoir aussi des zones sombres.
On ne devient pas ainsi par hasard.
Elle est un espoir pour sauver cette famille des ténèbres.

Je suis réellement fatiguée.
Il est temps que je rejoingne mon ours qui ronfle dans le lit.
Tant de choses à faire !
Et qu'une seule vie !
Pourvu que j'y arrive...