Journal de Julian

Me voici arrivé depuis quelques jours dans cette contrée.
Le haut prêtre avait raison, ...
La région est en proie à un trouble... et l'unité est la seule marche à suivre pour vaincre.

j'ai à nouveau rencontré l'hostilité. Et j'ai réagi par la colère.
J'étais surpris.

Il m'est devenu évident de réagir face aux réactions sur ma nature de Tiefflin.
Cela le l'a pas été quand je vis que c'était ma nature de Paladin.

Puisse Torm me pardonner... cette épreuve, je l'ai si mal abordée. Je me souvient de Nazed, qui testait ma patience et ma maîtrise de moi-même jusqu'à l'extrême, afin que jamais mon diable ne ressurgisse au combat.
Je m'attendais tellement à ce que ce soient mes crocs et mon sang qui soient la cause d'éventuelles frictions... que j'oubliais que tout le monde ne comprend pas les guerriers saints.

Mais suis-je un Parangon... ou un enfant livré au monde?
Je dois faire preuve de plus de sagesse, sans trop plier. Les mots ne mettrons pas fin à la haine de cet homme, Varg, dont ma seule présence semble attiser la rage.

Non. Les actes parlerons.
Je ne dois pas oublier la différence entre honneur.... et Orgueil.

Je ne dois pas régler cette situation pour la seule vision que j'ai de moi-même. Mais pour demeurer l'exemple que je dois être. Irréprochable.
Je comprends à présent l'épreuve qu'il me faudra traverser... la véritable épreuve.

Cette situation fait naître en moi un malaise auquel mon diable peut s'accrocher. Or je ne puis lui laisser la moindre prise. Je lutterai probablement jusqu'à ma mort... où je serai libéré de ce sang maudit qui coule dans mes veines.
Cependant... entre cette menace et les haines... il m'est des raisons pour lesquelles je banni toute idée de sacrifice vain et facile.

J'ai dédié ma lutte à mon seigneur. Jamais je ne pourrai abandonner. Quand dans mes prières, je sens venir cette lumière bienfaisante qui m'aide à repousser mon diable, la présence apaisante de mon seigneur... je sais que j'oeuvre pour plus que moi-même, pour cet idéal dont je rêvais déjà enfant, enseigné par Torm.

Bienveillance, Unité, Justice, Honneur.
Sentir mon coeur s'éclairer, mes doutes s'apaiser, ma vision plus nette... le Brave m'a accueilli. Me détourner... par une mort trop facile... serait une trahison.

Je reçois aussi ici une aide inespérée.
Je me demande parfois si la source peut comprendre à quel point cela m'est précieux.
Je sais qu'elle doit avoir compris qui je suis. Le flair de son familier et son intelligence sont venus à bout des apparences. Non que je me cache, Torm m'en préserve.
La demoiselle de Valcourt me réserve encore bien des surprises.
J'aime voir son regard s'illuminer, comme une enfant débordante de vie et de curiosité. Malgré la puissance qu'elle possèdera peut-être bientôt... je pressent un besoin de protection.
Protection pour ce regard... cette jeunesse qu'elle dissimule sous ses manières et sa fierté, son cynisme apparent...
Je ne voudrais pas le voir terni un jour. Car, malgré les choses dont elle se refuse à parler, cette souffrance émanant de ses simples mot quand elle me dit ne pouvoir se confier maintenant... je devine une innocence blessée, en quête de réconfort.
Je garderai son secret si cela peut l'aider et l'ayant promis. Mais en tant que prêtre il me faut la guider. En tant que paladin... je préserverai cette innocence.
~~en tant qu'homme je guetterai ses sourires.~~

Ma première rencontre avec mon mentor... Nazed Griffecoeur.
C'était un des protecteurs du temple d'Eauprofonde, un homme capable d'imposer le respect d'un regard. Le visage marqué par les combats, une foi et une compassion que rien en ce monde n'avait pu ébranler.
J'avais quatorze ans. la rage me serrait le coeur à cette époque et je trouvai un nouvel exutoire dans l'entrainement à l'épée. Mon sang, ce sang maudit, bouillonnait, menaçant de me faire céder et je n'en pouvais plus. Qu'y pouvais-je? Rien... et cette impuissance attisait ma colère, la sublimait. Cela donnait plus de prises encore à mon diable, je passai plus de temps que jamais en prière, répétant ces mots que mon coeur renferme depuis l'enfance. Kalina et Telem... mes confidents, les gens que j'ai certainement le plus considéré comme mes parents, m'aidaient.... sans prendre ombrage de mes colères. Leur calme, plus que tout, fut l'ancre qui me permit de me maintenit la tête hors de cet océan maléfique qui tente de me noyer depuis ma naissance.

Nazed Griffecoeur était un des protecteurs du temple. Il ne me connaissait pas. Rentré depuis peu d'une mission qui dura des années, il avait à peine entendu les rumeurs me concernant. Toujours est-il qu'il observait les novices à l'entrainement. Jour après jour il était la, dans son armure bleue, signe de haut rang. Je sentais son regard sur moi et tentai de l'ignorer. J'avais l'habitude qu'on me surveille du coin de l'oeil, même si je n'avais pas laissé ressurgir mon côté maléfique depuis des années, loin de me douter de l'intérêt que je suscitait chez cet homme et des questions qu'il avait déjà posées à mon sujet.
Un jour, épuisé après l'entrainement, je le vis m'attendre à la porte de la cour du temple, dans laquelle se déroulaient les exercices martiaux. J'étais souvent le dernier à partir, profitant du calme régnant après le départ de mes camarades.
Il s'avança vers moi, à pas lents. Je me souviens d'avoir sentit ma gorge se serrer, une partie de moi voulant détruire ce symbole d'autorité et de force bienveillante.... l'autre se demandant avec impatience ce que cet homme pouvait vouloir à un jeune novice comme moi.
Je m'inclinai, comme il sied de le faire devant un supérieur.

- Bonjour chevalier, dis-je.
- Salutations, jeune novice, répondit-il simplement.

Sa voix était grave, avec quelque chose d'apaisant. Son aura de bienfaisance, que je ressentis dès son approche m'enveloppa, chassant mes mauvaises pensées, anéantissant cette partie de moi qui désirait sa perte. A cet instant précis j'ai réalisé à quel point l'aura des Paladins est puissante. Cet homme était capable de refouler mes mauvais côtés. Je ne savais encore à quoi cette révélation allait me mener.

- Je me présente, Nazed Griffecoeur. Tu es Julian de Clairbois, c'est cela? me demanda-t-il.
- Oui messire.
- Un futur prêtre me dit-on. Un des meilleurs apprentis. Le haut prêtre m'a presque chanté tes louanges.

Je restai abasourdi. Je savais que mes progrès étaient surveillés... mais appréciés? Décidément je jugeai bien mal ces gens qui me protégeaient depuis mon enfance. Combien de temples auraient tout simplement tué un tiefllin à sa naissance?
La réponse, que je connaissais, me fit frissonner malgré moi.
Ma réaction amena un sourire sur les lèvres de mon interlocuteur. Je me demandais ce qu'il me voulait, pourquoi cette conversation, avais-je fait quelque chose de mal?

- Puis-je te parler, Julian?
- Bien sûr, messire. Que puis-je pour vous?
- Juste répondre à quelques questions. Tu as attisé ma curiosité.
- Je vous en prie, posez-les... vous ne serez pas le premier.

Il fronça les sourcils à ma réponse emplie de lassitude, mais ne fit aucun commentaire.
D'un geste, il m'invita à aller m'asseoir à ses côtés sur un des bancs longeant le mur du temple.
Je me souviens encore de chaque détail de cette scène.... elle changea tout dans ma vie. Tout.
Le paladin posa son regard sur moi.

- J'observe les novices depuis quelques semaines. Beaucoup seront de très bons Torméens. Cela me réchauffe le coeur de voir que la relève est bien annoncée.

IL sourit. Je pu entrevoir à ce moment qu'il n'était plus tout jeune. Qu'il avait plus de combats derrière que devant lui et ne tarderait pas à se retirer au temple pour former les jeunes prêtres... était-ce donc cela? Proche de se retirer il tenait à faire connaissance avec ceux qui le remplaceraient au front?

- Tu m'as surpris, Julian. J'ai rarement vu un novice de ton âge manier l'épée avec autant de hargne, le regard aussi déterminé, résolu, comme si tu combattais un mal innommable, avec une haine profonde. Me tromperais-je?
- Non messire.

Je baissai la tête.... nous en étions donc la. Encore et toujours ma "particularité"... qu'étais-je donc sinon une bête de foire? Un être en constant conflit intérieur qu'il aurait été plus charitable de tuer?
Et oui, telles étaient mes pensées à l'époque. J'étais jeune... et n'avais encore pu profiter de la sagesse de mon maître.

- Redresse-toi jeune homme! De quoi as-tu honte?

Je me redressai inconsciemment. Puis tournai la tête vers lui.

- Vous devez savoir de quoi j'ai honte, messire.
- Je veux te l'entendre dire, jeune novice.

Ma voix se mit à trembler de colère et je sentis mon diable remonter la pente, comme une bête se hissant le long d'une paroi, luttant contre un vent très fort avec une sombre détermination.... se hissant, les griffes plantées dans mon esprit comme dans une falaise. gagnant centimètre par centimètre, lentement mais sûrement. A cet instant, l'air frais du soir ne pouvait rafraichir le brasier qui grondait dans mon coeur, l'obscurité ne faisait qu'encourager l'être mauvais qui s'y tapissait malgré moi. L'aura puissante du vétéran n'avait plus de prise sur mon diable.

- Je suis... un être corrompu. Le coeur rongé par le mal. Mes crocs ne sont que la partie visible de cet être dont le sang maudit coule dans mes veines! Je résiste comme je peux, avec l'aide de Torm... mais il est tellement... tellement fort!

Je me levai pour tourner le dos au chevalier, pour lui cacher les larmes qui irradiaient mes joues. Leur chaleur était une preuve de plus de ma corruption... cette chaleur intérieure... comme je la haïssais! Et comme je bénissais la noirceur de la nuit de cacher mes larmes... pleurer devant un vétéran qui avait du combattre bien pire que ce que je renfermais... quelle honte!

- Je le sens prendre prise sur mon esprit à chaque moment de faiblesse! J'ai honte de vivre dans un endroit où règnent la bonté et la justice, j'ai l'impression de souiller ce lieu. Car malgré tous mes efforts, je ne puis me séparer de mon sang... il brûle dans mes veines. Il bouillonne. Je sens mes pensées.... se détourner, vouloir détruire tous ceux que j'aime et que je respecte.

Je sentis l'homme se lever, derrière moi. Il fit tranquillement le tour pour me regarder droit dans les yeux. Sans jugement, sans peur. Sans un commentaire pour les larmes que je considérais comme une faiblesse enfantine.

- J'ai honte parce que je ne suis pas assez fort! Mon diable est.... trop puissant! Et je n'y peux rien! Il est en moi! Je ne l'ai pas choisi! Je n'en veux pas! Il va gagner un jour, messire. Et ceux que j'aime seront forcés de mettre fin à mes jours pour que je ne puisse causer autant de mal que l'être responsable de mon existence!

Griffecoeur attendit que j'aie fini. Quand je me tus, haletant, il fit quelques pas. Une main sur le menton, pensif, secouant la tête, l'air désolé. Il me fit ànouveau face, les bras croisés, esquissant un mouvement nonchalent d'une main vers moi avant de nouer à nouveau son bras sur l'autre.

- En quelque sorte... tu as honte de n'être encore qu'un enfant?

Une seconde fois, je demeurai abasourdi. Ses yeux cherchant constamment les miens il répondit lui-même à la question.

- Tu combat un mal qui serait venu à bout de paladins confirmés, Jeune homme. Le Véritable t'accorde déjà force et protection. Tu as 14 ans, l'esprit encore fragile et malléable... et pourtant tu tiens le coup. Si tout est perdu d'avance, si le mal est trop fort, dis-moi, jeune novice, pourquoi combats-tu? Pourquoi résistes-tu, encore et encore? Pourquoi te trouve-t-on à prier dans la grande chapelle avant que les autres novices ne soient levés? Pourquoi cette colère dans tes yeux quand tu manie une épée?

Ces questions, posées sur un ton dur, presque accusateur... remuèrent en moi une flamme qui n'avait rien de maléfique. Je reconnus cette chaleur, ce n'était pas celle qui voulait du mal aux autres... c'était celle qui venait à moi dans mes prières. J'étais toujours en colère... mais elle n'était plus aussi dévorante. Parce que je connaissais la réponse. Elle était en moi depuis le jour ou Telem me parla de ma mère et du don qu'elle m'avait fait à ma naissance.
Syal de Clairbois avait eu FOI en moi... me transmettant la bénédiction du véritable. Et ma colère n'était autre qu'une juste fureur face à un mal qu'il fallait déloger de ses terres.
Je répondis, sur un ton fort, ma voix résonnant dans la cour.

- Parce que ce n'est pas Juste!

Le paladin s'interrompit, me regardant. Tout à la tirade que je lui préparais, je ne vis pas le fin sourire qu'il m'adressait. C'était ce qu'il attendait et il allait tranquillement me laisser m'exprimer, notant chaque mot, les goutant... comme s'il les avait attendu depuis la première fois qu'il m'avait observé, l'air de rien, à l'exercice.

- Oui, ce n'est pas Juste! Je ne veux pas céder! Ce que j'ai appris ici, j'y crois! Comment pourrais-je défendre nos idéaux si je suis rongé ainsi? Combattre ceux qui insultent Torm, le culte et la triade, pourchasser la corruption, si je suis moi-même aussi..... corrompu? Tant que j'en aurai la volonté, je tiendrai ce mal en respect! Je ne suis pas Torméen de titre, mais si c'est la volonté de la Loyale Fureur, je le servirai jusqu'à ma mort! Je veux être capable de chasser les maléfices autre part qu'en moi-même! Dans le monde réel et non demeurer prisonnier des murs d'un temple, même s'il est mon foyer!

Les poings serrés, je ne sentis pas que mes larmes cessèrent de couler, que mon regard brillait, déterminé.. et que le chevalier en face de moi hochait la tête, approbateur, sourire aux lèvres.

- J'ai l'impression... d'être enfermé en moi-même. Et je n'ai jamais rien demandé sinon d'aller vers le destin que j'ai choisi. Je préfèrerais mourir que de commettre un acte maléfique! Vous m'entendez? Il ne m'aura pas! Un jour je gagnerai contre ce sang, je mériterai la protection de Torm en protégeant les autres, pas en les blessant! Et ce n'est pas uniquement pour lutter contre mon diable! Cette chose est un obstacle, je le hais!

La dernière phrase, je la criai presque. Tant était puissant ce que j'avais sur le coeur. Comme un oiseau sauvage que l'on relâche d'une cage.

- Je serai quelqu'un de Juste! Mon sang ne me dictera pas mes actes!

Nazed se contenta de rire. Je cru dans un premier temps qu'il se moquait de moi, prenant mes mots pour une tentative puérile de passer pour ce que je ne serais jamais.
Il prononça alors des mots que je ne pensais jamais entendre. Des mots que je n'avais osé imaginer dans mes rêves les plus fous et que pourtant j'espérais ardemment entendre un jour.

- C'est bien ce que je pensais, Julian. Mon jeune ami, je comprends pourquoi le haut prêtre te voit investit dans quelques années. Je ne te détournerai pas de cette voie,mais tu dois savoir que les Torméens sont libres de suivre également une autre voie, n'est-ce pas?
- Oui messire.
- Tu as un don, jeune homme... n'as-tu jamais pensé à devenir Paladin?

Je n'arrivais pas à y croire. La colère avait cédé face à un bonheur que rien,même mon diable ne pouvait détruire.

- Moi? Paladin?
- Ecoute-toi parler de purification du mal, avec ce ton tranchant et déterminé, mon jeune ami. Tu as entendu l'appel de Torm, n'est-ce pas? Il te protège depuis l'enfance, c'est une chose rare.

Je regardai Nazed, incapable de lui répondre. Il finit par se détourner, retournant vers le temple en disant:

- Tu n'es pas obligé de me répondre tout de suite. Prends ton temps.

Cette phrase me sortit de ma stupeur. Je lui courrai après, le dépassant pour lui faire face.

- Je veux le faire!
- Tu es certain? Ton diable ne sera pas content.
- Qu'il aille se faire voir à Baator! Je veux le faire! Vous me l'avez proposé, non? Je sais que c'est ma voie!
- Comment peux-tu en être certain?
- Je ne sais pas. Mais j'y crois.

Nazed se mit à rire. Il ma tapota l'épaule et je me mis soudain à sourire, lui dévoilant pour la première fois mes crocs. Et il ne recula pas.
Nazed fut un mentor sévère, testant les limites de ma volonté, il réussit même quelques fois à éveiller mon diable. Mais je ne pourrai jamais oublier ce vieux Paladin... il m'a armé pour la vie et cette scène marqua le début d'une grande amitié.
Et aujourd'hui, alors que mes pensées se tournent vers cette terre que j'ai choisi de protéger... je me demande comment il aurait réagi.

Nazed... j'aimerais tant pouvoir compter sur vos conseils aujourd'hui.
Le haut prêtre savait ce dont il parlait lorsqu'il me prévint de l'épreuve à venir, du recommencement de ce que j'avais prouvé au temple d'Eauprofonde.

Je ne craindrai pas le jugement des miens... et pourtant.
C'est cette attente qui me mine, l'attente d'être reçu par le conseil. Je sais qu'ils m'observent, l'un des conseillers est venu me parler déjà.
Et je leur ai dit: je répondrai à toutes les questions, me plierai à tous les tests... je n'ai rien à me reprocher.
Cette pointe de crainte en moi, que mes prières dissipent aisément, je sais d'où elle vient.
Elle provient de cette part de moi-même qui se débat comme une bête sauvage dans une cage. Une cage que seul ma foi tient solidement fermée, avec l'aide de Torm.

Je n'ai jamais, dans ma vie, eu autant recourt à CETTE prière... celle que j'ai écrite, enfant, qui me donne la force de demeurer moi-même.
Et je m'épuise...

Cette fois c'est Deirdre qui m'a soutenue et non l'inverse. Sa présence adoucit mes sombres pensées.
Je sais qu'elle me fais confiance et... cette confiance me met du beaume au coeur. En sa présence, je sens mon diable reculer. Quand je la tiens dans mes bras, je le sens qui faiblit, remuant faiblement dans un coin de mon esprit.
Sait-elle seulement la force qu'elle me donne?

Loué soit Torm d'avoir permis cette rencontre.

Un tel soutient pendant mon attente est le bienvenu.
J'espère leur montrer... que mon sang ne me dictera pas mes actes. Je suis prêt.

Cette épreuve est loin, très loin de celles que me réservait Nazed, lorsqu'il poussait ma volonté à ses limites pour affermir mon contrôle sur mon diable. Il ne s'agit que de demeurer moi-même devant le conseil. Je n'ai pas à être nerveux...
Alors pourquoi... pourquoi cette vieille crainte me revient-elle, celle de devoir faire face autant à mes ennemis qu'à mes alliés?
J'ai l'impression aujourd'hui d'être à nouveau l'enfant instable surveillé par le grand prêtre d'Eauprofonde... celui qui faillit sombrer tant de fois...
Je me souviens... Kalina vint souvent me chercher dans la chapelle ou je m'étais endormi sur mes prières, alors que la journée entière j'avais lutté contre moi-même.
Les choses ont-elles vraiment changé?
J'ai la force et la volonté d'un adulte formé pour combattre et résister, mon seigneur me protège... et pourtant.
L'enfant que je fus n'est pas si loin. Il tremble à l'idée de décevoir les siens, des gens qu'il admire et respecte, à qui il espère ressembler plus que tout au monde.

Je sais que je ne leur ressemble pas... nous avons la foi en commun, mais j'ai ma propre voie à suivre, comme chacun d'entre eux, ce qui nous rend tous uniques. J'espère seulement que la différence entre eux et moi n'est pas autre...

Et voils, je recommence; il faut que je me sorte de la tête l'idée d'être consumé par le mal, intérieurement.
Cela ne me rendra pas service face au conseil...

J'entends la voix de Nazeld, tellement il me répéta ce dont je suis certain qu'il m'aurait dit aujourd'hui:
"Patience, mon jeune élève. Patience. Pour tout homme il est un temps pour agir et un temps pour se préparer et patienter."

Ces mots horripilèrent l'adolescent que je fus.
Je sais qu'il sourirait en me sachant m'y reposer.

Je me souviens d'une scène, qui s'est répétée tant de fois...
OU faiblement, j'implorais Nazed.

"maître, je ne sais plus...
- Mais si tu sais!
- Maître... je ne tiens plus!
- Relève toi, gamin! Fichu Tieffelin, pas plus de volonté qu'un nourrisson!"

Il continuait les piques... pour me pousser à me relaver, sachant que dans l'épuisement physique, mon mental était mis à rude épreuve. Tout ce qui pouvait me rappeler ma nature maléfique y passait... et généralement, je tenais.
Ainsi, j'explorais mes limites, je savais jusqu'où mon mental pouvait être tiraillé... et je maintenais mon diable bien enfermé dans la cage de ma volonté!
En général, quand mon mentor m'entendait murmurer ma prière... il s'arrêtait. Car il savait que je n'en appelais à Torm que si je ne tenais plus... vraiment plus. Cette prière est comme le réflexe de l'homme qui, après un trop long passage dans l'eau, prend une grande inspiration à l'air libre.

Et pourtant un jour... Nazed continua à m'invectiver. Je ne suis pas certain d'avoir compris encore aujourd'hui, peut-être voulait-il que j'apprenne à me relever, ou savoir si je serais capable de reprendre consciemment le contrôle de moi-même.

je ne pense pas être capable de décrire cette scène avec précision, me rappelant juste de l'avoir sentit remonter la pente petit à petit... bête gagnant centimètre sur centimètres, résistant au vent de ma volonté qui voulait le renvoyer au fond du gouffre. Mais il avançait. Puis j'entendis un cri de désespoir et fut surpris d'entendre qu'il venait de ma propre gorge... cri bientôt mué en rugissement de triomphe.

Je vis alors mon mentor tirer son épée et je tombai à genoux. Ce fut la dernière image que je retenus avant de m'éveiller, épuisé, mon mentor, inquiet, à mon chevet.
"Tu as triomphé" me dit-il ce jour la.
Selon lui, je l'aurais presque tué... mais j'avais repris le contrôle avant que perle la première goutte de sang.
A partir de ce jour la, Nazed fut moins dur avec moi, estimant que les épreuve de contrôle sur moi-même étaient terminées.

Même si le souvenir demeure cuisant... et que demeure une interrogation sur ce que mon esprit a occulté... je ne peux que remercier Nazed Griffecoeur.

Il m'aida à trouver en moi la force que j'utilise aujourd'hui, alors que j'attends le jugement des miens.

Huzahel, Bonelon, suk teljuin elly sa jie!
Loyale Fureur, mon devoir est ma vie!

Ces derniers jours, les événements se bousculèrent.
J'ai réussis à être accepté en deux cités étrangères. Karak Azul et Port Embria. La première suite à une rencontre avec un nain que j'apprécie, qui connait ma nature et ne m'a pas jugé sur cela... mais sur mes actes. La seconde... quitte à mon offre d'aide contre les créatures maléfiques infestant la région.

Une attaque à Célestia... liée à tant de choses. Ce que je craignais est bien établi: la région entière est en danger. Mon rapport au temple fut long... et apprécie je pense.

Et... enfin...
Le conseil du temple s'est réunis.
C'est le frère Ternam qui vint m'en parler.
Grande est ma joie aujourd'hui... car ceux dont je redoutais le plus le jugement m'ont accepté parmi eux.
Comme je m'en doutais, le jugement ne fut pas unanime. la véritable épreuve ne fait que commencer. il me faut faire mes preuves, leur montrer ma foi et mon engagement envers Torm. Si certains font confiance au jugement de mon mentor, dont la renommée est arrivée jusqu'ici, d'autres n'ont pas encore vu le Torméen, ne voyant que le Tieffelin en moi-même.
Je ne leur en veut pas... ne pouvant que comprendre. ma nature me dégoute moi-même, profondément. Et pourtant... serais-je le même sans ma lutte quotidienne, intérieure?
Serais-je capable d'être aussi intransigeant lorsque j'ai reconnu un mal... et aussi patient lorsque je vois une lueur d'espoir au sein d'un être?

Aurais-je pu comprendre Deirdre et commencer à la guider? Non... je l'aurais traitée comme elle le fut à Port Embria... et elle aurait lentement glissé vers le mal, sans le soutient dont elle a besoin pour révéler ce qu'elle cache profondément en elle, derrière son impulsivité et son aigreur, ainsi que sa terrible intelligence.
Aurais-je eu le courage de me présenter à Embria en proposant mon aide?

Non... j'aurais agit différemment. Je le comprends depuis longtemps; ma lutte intérieur est une force, qui me maintient en alerte. Toujours prêt à frapper ou à remettre en question.
Autrefois... j'ai prié Torm de me libérer de mon sang. Aujourd'hui... je le remercie de ne pas l'avoir fait. je ne pouvais comprendre ce qu'apporterais ce chemin qu'il a choisi pour moi.
Il me reste... encore tant à apprendre.

Nazed, merci... même si loin d'Eauprofonde, ta renommée m'est venue en aide et tes enseignements me reviennent à l'esprit. Que Torm te protège, mon ami, mon mentor, mon frère.

Il ne me reste qu'à faire mon devoir, comme j'ai toujours rêvé de le faire, soutenu par un temple ou j'ai été intégré malgré ma nature, les cités alentours acceptant mon aide...
Et attendre l'accord du temple pour épouser Deirdre. J'ai hâte, mais je crains qu'il ne nous faille rester patients. Peu m'importe.

La tentation qui s'empare de moi quand je suis à ces côtés... bien plus forte encore que celle de mon diable... la paix que je ressens à ses côtés... je les gouterai d'autant plus.

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